Un truc que je trouve vraiment différent de la France, c'est la manière dont la société et les mentalités sont faites pour gérer ces inégalités. En France, on peut critiquer le système, mais toujours est-il qu'on a une sécurité sociale, une assurance chômage, un revenu minimum, une retraite, pas mal de service public et ce, pour à peu près tout le monde. Ici, le taux d'imposition est assez faible, et donc automatiquement, les services rendus par l'état et la redistribution des richesse sont bien moins importants qu'en France.
Mais à vrai dire, l'impression que j'ai est plutôt pire que ça. Non seulement il n'y a pas tellement d'entraide entre riches et pauvres, mais le système a vraiment l'air d'être conçu pour maintenir chacun à sa place, et surtout éviter qu'un pauvre puisse avoir l'ambition de devenir riche, parce que bon, faut pas exagérer.
Pour moi qui n'ai pas toutes les clés pour comprendre, c'est une histoire de classes sociales. En France aussi, on a tendance à fréquenter les gens des mêmes milieux sociaux que nous, mais c'est clairement plus marqué ici. Une fille d'ingénieur qui se marie avec un fils d'ouvrier, en France, c'est rare, mais ici, c'est carrément impensable.
Mais bien sûr, en plus du niveau social, il y a le système des castes, qui fait que quand on naît dans la caste des nettoyeurs de WC, on doit le rester toute ça vie et le transmettre à ses enfants. Officiellement, il y a un système de discrimination positive, pas mal sujet à controverse, j'essayerai de faire un billet là dessus.
J'en arrive à l'exemple qui m'a frappé l'autre jour. La famille de mon chef, et sa femme en particulier, est très préoccupé par tout ça, et ils font beaucoup d'efforts pour aider les plus défavorisés. Pour la construction de leur maison, ils ont fait gaffe aux conditions de travail des ouvriers, ils leur ont interdit de faire travailler leurs enfants (ce qui en fait est discutable, mais c'est un autre débat), ...
Depuis quelques temps, ils ont une aide ménagère à plein temps. C'est une femme qui n'a plus de famille, veuve et sans enfants, et en Inde, sans famille, c'est comme si on n'existait plus. Elle a plus ou moins été mise dehors de l'ancienne maison où elle travaillait, et a demandé à la famille de mon chef de l'accueillir. Bon, ça n'est pas un très gros effort de devoir supporter à plein temps quelqu'un qui fait le ménage et la vaisselle dans une maison ;-) mais la préoccupation du sort de cette femme est clairement là, et aussi importante que le confort qu'elle apporte.
Mais la relation aide ménagère/maîtres de maison reste quand même très étrange. L'aide ménagère travaille en général par terre dans un coin (ce n'est pas la position la plus confortable qui soit pour couper des légumes par exemple, mais ...). Et là où ça m'a vraiment fait drôle, c'est au moment du repas. Alors que toute la famille est assise autour de la table, elle mange avec son assiette sur les genoux, assise en tailleur dans un coin de la pièce (sans vouloir faire d'allusion cinématographique de mauvais goût, au moins, là, on ne lui jette pas les restes et elle ne joue pas avec les interrupteurs).
La tradition de soumission (prof/élève, mari/femme, castes, ...) a l'air vraiment ancrée dans certaines mentalités, et je n'arrive même pas à savoir, c'est si elle se met d'elle-même dans cette position là, où si on lui a fait comprendre que c'est comme ça qu'elle devait agir. Enfin, je crois que quand on répète pendant suffisamment longtemps à une communauté qu'elle est formée d'êtres inférieurs et sans importance, ils finissent par y croire.