On part le vendredi soir, en bus. Il n'y avait plus de place en « delux bus », donc on est en « semi-delux », les sièges ne sont pas inclinables, et les amortisseurs sont d'une efficacité douteuse. Difficile de dormir, mais on y arrive par petits morceaux. Après quelques heures de routes, on fait une halte à un endroit ou on peut prendre un thé, et en marchant quelques mètres, on tombe sur une cabane « Ledise and Gents ». Je met du temps à comprendre l'orthographe douteuse, mais c'est bien ce que je cherchais ! Le bus repart et fait ... au moins 20 mètres avant de crever une roue. La halte durera donc quelques heures de plus que prévu. Bon, au moins, pendant ce temps là, le bus ne bouge pas, on peut dormir un peu !
On arrive donc à Madikeri vers 7h du matin. Le ciel est couvert de nuages, il pleuvine de temps en temps. On trouve rapidement un hôtel pas trop cher. Les chambres sentent l'humidité et le renfermé, mais bon. Martin a oublié son parapluie au restaurant à Bangalore, et je n'en ai pas. En fait, même quand il ne pleut pas, les locaux se promènent toujours avec un parapluie à la main, c'est sans doute un signe. On décide donc de faire un peu les boutiques et de s'équiper ! Les ruelles sont fort sympathiques, on trouve même une sorte de temple un peu en amont de la ville, qui s'avère en fait être deux tombes de Raja de Coorg.
Rue de Madikeri
La ville commence à s'agiter un peu, et la petite agence de treck qu'on avait repéré ouvre ses portes. L'employé nous explique qu'on ne peut pas voir grand chose, qu'il y a du brouillard, mais qu'on peut quand même aller marcher un peu dans la jungle. Nous enrichissons également notre anglais en apprenant le mot « leeches », qui veut dire « sangsues » (je crois que le singulier est « leech », mais de toutes façons, ici, ces bêtes là sont toujours au pluriel !). Un passage à la pharmacie pour acheter un antiseptique qui repousse les sangsues, et nous rencontrons notre guide, Kumar. On est contents, parce que l'agence a un livre d'or sur lequel tout le monde à mis que les guides étaient bien, « surtout Kumar » (ceci dit, vu la fréquence du prénom Kumar, ça ne serait pas étonnant qu'ils s'appellent tous pareil !).
On fait quelques kilomètres de rickshaaw et commençons la ballade par une pause dans un tea shop. Kumar nous montre de la vanille fraiche. C'est rigolo, c'est une sorte de gros haricot vert. Le thé bu, nous partons sur un petit chemin au milieu de la forêt verte et humide. On commence à s'asperger de spray anti-insectes, mais Kumar nous dit que ça n'est pas la peine pour l'instant, il nous dira plus tard.
Rizière
Le paysage est absolument magnifique. Le brouillard ne nous donne pas une visibilité extraordinaire, mais donne un certain charme à cette forêt. Kumar commence à nous raconter de manière très rassurante comment il soigne les gens qui se font mordre par des serpents. Je ne sais pas si il en rajoute pour l'aventure, mais ça ne fait pas envie...
Au fil du chemin, il nous montre plein de plantes sauvages et cultivées. Tenez, par exemple, celles-ci, vous les connaissez ?
Café
Ce sont deux plants de café, du robusta à gauche (plant bas, et dont les branches poussent à l'horizontal), et de l'arabica à droite. Il y a aussi du poivre (une plante grimpante comme le lierre). Plus on avance, plus la forêt est dense, et on est passés d'un chemin prèsque carossable à un sentier plutôt sauvage.
Je sens un truc qui pique un peu ma cheville. « Ahh ! », voici la première sangsue, qui essaye de me mordre à travers la chaussette. Kumar me regarde et confirme : « Ah, you've got one here ». Euh, oui, sauf qu'on ne parlait même pas de la même... il y en a une autre qui se débat pour rentrer dans ma chaussure entre les lacets. Martin inspecte ses chaussures, son pantallon. Ouf, rien. Il relève un peu le bas de son pantallon pour vérifier... il y a au moins trois sangsues qui se baladent sur sa chaussette.
Alors pour ceux qui comme moi avant ce Week-End ne savent pas trop ce qu'est une sangsue :
Imaginez une sorte de verre de terre, capable de se dresser sur son derrière et d'avancer en se pliant et en se dépliant le corps, avec un odorat qui l'attire vers tout ce qui a du sang dans les veines, et en beaucoup plus résistant (impossible de les écraser). Bon, la bonne nouvelle dans l'histoire, c'est que ça n'est pas dangereux, pas douloureux, et même, paraît-il, plutôt bon pour la santé. Mais je peux vous assurer que quand une dizaine de ces bestioles grouillent sur le sentier en se précipitant sur vos chaussures, il n'y a plus de raisonnement rationnel pour savoir si c'est bon ou pas pour vous. Bref, on ne s'est pas attardés, et on n'a pas pris le temps de photographier ces compagnes de ballades, mais voici quand même une photo glanée sur le web.
Sangsue
L'autre bonne nouvelle, c'est que ces bêbetes ont horreur du désinfectant qu'on a acheté. Il suffit de les toucher avec un chiffon imbibé pour qu'elles se contractent, passant de l'expression « Miam, le bon sang tout chaud » à « Pouahh, mais c'est dégueulasse ce truc ! ». On s'imbibe un peu les chaussures et les chaussettes. Kumar se débarrasse de celles qui lui montaient sur les bottes en caoutchouc ... On s'en tire bien, je suis le seul à avoir été piqué, voici mes blessures de guerre :
Pied
Un truc étonnant, c'est que la zone à sangsues est vraiment localisée, sur quelques dizaines de mètres de dénivelées. On sort donc assez rapidement de ce passage, et on arrive un peu plus tard au sommet. Le paysage est sans doute magnifique par beau temps, il paraît qu'on peut voir pleins d'éléphants sauvages, mais ce jour là, c'était plutôt ça :
Brouillard
Je trouve que ça a beaucoup de charme aussi, mais bon, pas le même... Après une petite pause au sommet, on repart, retraverse les sangsues, puis on arrive à une petite maison isolée : c'est là qu'est prévu le repas de midi.
Pause de midi
On nous sert un repas à base de riz, de bananes vertes et de mangues, c'est vraiment excellent. Les femmes ne parlent pas anglais, mais Kumar nous explique qu'elle nous demandent ce qu'on est allés faire dans la forêt à cette saison, que c'est plein de sangsues... pendant qu'on mange tranquillement sous un toit, il se met a pleuvoir comme vache qui pisse dehors, et le temps qu'on termine le repas, c'est l'accalmie. Nous voilà repartis, fières de la chance qu'on a jusqu'ici.
Mais il faut croire que la chance a tourné rapidement. Pour nous rappeler que la mousson arrive, on se reprend une bonne grosse averse. On regrette de n'avoir qu'un parapluie, même si il est grand et qu'on a tous les deux une veste imperméable. En quelques minutes, nos pantalons et chaussures sont trempés ! Arrivés sur la route, on se fait prendre en stop pour le retour à Madikeri (à 4 à l'avant d'une camionette prévue pour 3, normal), et le temps d'un thé, une petite signature à l'agence pour prouver que les sangsues ne nous ont pas complètement mangé, nous concluons cette journée par une séance de cinéma en Kanada (mais avec quelques mots d'anglais, c'est suffisant pour comprendre l'essentiel).
Le décalage entre le cinéma et la réalité m'étonnera toujours. Le scénario, en gros, c'est trois couples, disons X, Y et Z qui vont en Week-End à Goa. Le mec du couple X couche avec la femme de Y, Y avec la femme de Z, et Z celle de X. Bon, bien sûr, quand les femmes s'en rendent compte, c'est la panique, mais à la fin, tout le monde est réconcilié. Agrémentez tout ça de gags gros comme des maisons (il faut avouer que les gags en finesse nous passent un peu au dessus pour des questions de langues. Qui sait, il y en a peut-être), d'effets spéciaux vraiment très spéciaux (Si vous aviez trouvé que dans les vieux films américains, les mouvements du volants n'étaient pas synchronisés avec ceux du paysages quand le héros conduit, vous devriez voir ce film), et de bruitages dignes de vidéogag, et n'oubliez pas d'embaucher un top-model pour jouer le rôle d'une des femmes, et vous avez une comédie très indienne.
De retour à l'hôtel, nous nous écroulons sur le lit et rattrapons le sommeil en retard, une autre longue journée nous attend pour le lendemain !